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Préhistoire ancienne

Cours 10 : sépultures du Paléolithique et du Mésolithique

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Vers : L'organisation des études en L1 Introduction au Néolithique


 

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Préhistoire ancienne

Cours 10 :

Sépultures du Paléolithique et du Mésolithique

 

 

Je vais aujourd’hui évoquer rapidement l’état des connaissances sur les sépultures et les rites funéraires.

Tout d’abord, il convient de préciser que si on reconnaît aujourd’hui des comportements particuliers face à la mort chez certains animaux, le traitement rituel des morts chez les humains semble apparaître assez tardivement.

Cela tient essentiellement au fait que les comportements face à la mort, pendant la Préhistoire, ne nous sont connus que par des sépultures, ce qui ne signifie en aucun cas que l’humanité, antérieurement à l’apparition de réelles tombes n’a pas eu une conscience de la mort.

Il y a donc là, très probablement, tout un pan du comportement humain ancien qui nous échappera encore pendant très longtemps.

Alors qu’est ce qu’une sépulture ?

L’archéologue peut déterminer l’existence d’une sépulture, c'est-à-dire la volonté de déposer un corps humain dans un lieu déterminé, après le décès de l’individu, en lui accordant un soin ou des pratiques témoignant de cette conscience de la mort, à partir de 3 éléments principaux :

- la structure, le lieu même du dépôt du corps, son enfouissement dans une fosse, son recouvrement par des pierres…

- la manipulation du corps, c'est-à-dire le plus souvent le prélèvement de certaines parties et généralement du crâne.

- l’ajout d’objets, d’offrandes avec le corps déposé.

Ce phénomène de la sépulture, apparaît assez tardivement comme je vous l’ai dit mais n’est pas contrairement à ce qu’on pensait il y a quelques années, le fait des seuls Sapiens sapiens, mais aussi des Néandertaliens.

Les plus anciennes sépultures actuellement connues sont à rapporter à la grande culture du Paléolithique moyen : Le Moustérien.
Diapo : Carte sépultures moustériennes

Au début des années 2000, on connaissait ainsi, dans le monde 42 sépultures de néandertaliens et d’hommes modernes pour la période entre 100000 et 35000. J’ai entendu dire récemment qu’on dépassait maintenant les 50 tombes pour cette période… Comprenez qu’on n’en trouve quand même pas tous les jours…

Les plus anciennes sépultures sont ainsi datées autour de 100000, avec des dates hautes qui pourraient remonter à 120000 et une unique date controversée à 160000, qui dans tous les cas demeure pour le moment isolée.

Un autre phénomène est que ces sépultures vont se trouver dans des grottes et des abris sous roche et que sur la quarantaine de sépultures de cette période, plus de 60% se concentre sur 4 sites du Proche Orient et de l’Europe :

- la grotte de Shanidar en Irak.

- Les grottes de Qafzeh et Skhül en Palestine.

- La grotte de La Ferrassie en France, dans le Périgord.

Le phénomène funéraire semble donc apparaître en divers lieux, mais pas d’un seul coup ni partout. Mais les sites demeurent peu nombreux et il faut s’attendre à la multiplication des découvertes dans les années à venir.

Parallèlement, il n’y a pas de discrimination d’âge et pour ces périodes, on connaît sur 51 individus identifiables :

- 20 immatures de moins de 15 ans (avec même la présence de fœtus à la Ferrassie),

- 9 adolescents ou jeunes adultes

- 22 adultes matures ou âgés.

Aucune ségrégation sexuelle non plus puisque hommes et femmes sont largement représentés. La sépulture peut donc concerner toutes les catégories biologiques du groupe.

Concernant la forme de ces dépôts funéraires, on peut retenir que les corps sont déposés le plus souvent sur le côté (droit ou gauche) (rarement sur le dos), en position contractée plutôt que fléchie (on peut parler de position fœtale).
Sur seulement 20 cas étudiables, il semble que l’orientation est-ouest soit privilégiée sans être obligatoire (13 cas stricts, 2 sud-est – nord-ouest).

Ces corps sont généralement déposés dans des fosses, mais ils peuvent aussi être posés sur le sol et recouverts d’un monticule de pierres et de terre.

Les offrandes funéraires connues sont souvent animales :

- A Skhül, une mandibule de Suidé dans les bras de l’individu inhumé,

- A Qafzeh, un massacre de cervidé (les bois) dans les mains d’un enfant.

- A Techik-Tach, en Ouzbékistan, un enfant entouré de cornes de bouquetins…

Des cas de manipulations d’ossements voire de prélèvement des crânes sont connus, dans la grotte de Kébara et on a évoqué un cas de crâne déposé au centre d’un cercle de pierre dans la grotte de Gattari au Mont Circé en Italie. Crâne qui aurait subi des manipulations et des « transformations ». Cependant le réexamen de ces données semblerait indiquer que nous sommes plutôt face à quelque chose de non anthropique… peut-être à un repère de hyène ou seul le cercle de pierre correspondrait à une structure humaine. Le crâne ayant été récupéré& par des carnivores l’ayant probablement un peu grignoté.

Les sépultures sont généralement individuelles mais parfois aussi multiples, avec le cas des enfants de Grimaldi à la frontière italienne, la sépulture d’une femme et d’un enfant à Qafzeh et une sépulture triple à Dolni Vestonice en Rép. Tchèque.

Dernier élément pour ces sépultures très anciennes, à Shanidar, une des tombes a livré une quantité exceptionnelle de pollens de plantes à fleurs qui a été interprétée comme l’évidence d’un dépôt de fleurs dans la tombe. Ce n’est évidemment qu’une interprétation.

Sur le site de La Ferrassie, on évoque aussi l’existence d’une nécropole puisque sept sépultures sont présentes, attribuées au Moustérien.
Il est cependant difficile de juger du temps qui sépare les inhumations successives.

Ces données sont quand même anciennes. Voici un relevé daté de 1909.

Enfin, à côté du phénomène funéraire lui-même, on a évoqué à maintes reprises la possibilité de pratiques anthropophagiques pour ce Paléolithique moyen.

En réalité, les indices montrent de façon indiscutable l’existence de décharnements de corps humains, ainsi que des scalps, mais ces pratiques ne peuvent être liées directement à l’anthropophagie (qui existe par ailleurs dans certaines cultures préhistoriques, plus tard), mais pourraient correspondre à des rites funéraires complexes.

Avec le Paléolithique supérieur, les traditions funéraires ne semblent pas évoluer de façon importante par rapport à ce que nous avons vu pour les premières sépultures.

En Europe, les sépultures ne seront pas très nombreuses dans tous les cas, peut-être à cause de la stabilité de la population peu nombreuse pendant tout le Würm récent, dans cette région très froide.

On ne connaît ainsi pas de sépultures probantes pour l’Aurignacien.

Avec le Gravettien, on connaît des sépultures, environ 25 en Europe.

Elles sont toujours disposées en fosse, en position généralement fléchie et sur le côté.

Le principal changement est la généralisation des objets déposés dans la tombe et en particulier des parures disposées sur le corps même.

A côté des tombes individuelles apparaissent parfois des sépultures multiples ; avec plusieurs individus probablement déposés en même temps ou dans un court laps de temps.

L’ocre, matière colorante minérale, fait aussi son apparition sous la forme de blocs ou plus généralement répandu dans la tombe et sur le corps.

L’usage de l’ocre est toujours discuté concernant son usage… Certains ont évoqué ses propriétés en terme de conservation… D’autres pensent que l’ocre faisait partie de peintures corporelles qui ont donc coloré le sédiment au moment de la décomposition du corps. Il peut s’agir simplement d’un rite dont nous ne comprendrons jamais le sens… et qui se poursuit d’ailleurs longtemps, puisqu’on le connait bien, encore dans le Néolithique ancien et moyen surtout.

Une unique sépulture collective est connue sur le site de Predmosti en Rép. Tchèque.

Peu de restes humains et pas de sépulture évidente pour le Solutréen et le Badegoulien.

En revanche les sépultures magdaléniennes vont être relativement nombreuses, ce qui peut être corrélé à une certaine augmentation de la population à cette époque, donc à l’augmentation du nombre de sites et à la plus grande probabilité de trouver des sépultures.

Elles ne se différencient pas particulièrement des précédentes, le plus souvent en grotte et dans des fosses, des corps fléchis ou contractés, d’abondantes parures…

Pour cette époque on connaît aussi un cas sur le site de Maszycka en Pologne de massacre collectif et de pratique anthropophage.

Dans le Magdalénien, certains objets évoquent selon chercheurs des rites particuliers liés aux dépouilles humaines.

Néanmoins, cette hypothèse possible demeure difficile à valider… Les ossements humains ayant pu être utilisés comme des matières premières indifférenciées…

Au Post-Glaciaire, pendant l’Epipaléolithique et le Mésolithique, les rites funéraires semblent se compliquer et se développer dans diverses régions et pour l’Europe, particulièrement dans un courant occidental et atlantique.

Les sépultures sont très souvent individuelles

Les positions évoluent aussi, puisqu’on va trouver des individus déposés sur le dos, en position allongée…

Bien que des individus en position repliées soient toujours présents…

Mais aussi des choses plus curieuses comme ici un individu assis.

Les sépultures multiples sont aussi présentes. Dans plusieurs régions d’Europe : ici en Sicile. Ou en Europe du nord et de l’Est.

Les sépultures collectives apparaissent réellement sans jamais être ni nombreuses, ni majoritaires. Elles s’associent parfois à des rites complexes de manipulations des corps en plusieurs fois avec des phases de décharnement et d’enfouissement bien séparées.

On voit aussi apparaître la crémation des corps. Souvent contestée, elle a pu être affirmée sur certains sites, mais demeure rare.

Les parures et le dépôt d’ocre sont généralisés.

Concernant les pratiques complexes, des sépultures secondaires, après décharnement des corps peuvent être illustrées ici à la Chaussée-Tirancourt, dans la Somme.

Dans le Mésolithique aussi, certains rites particuliers apparaissent, comme des traces de décarnisation des corps et des crânes…

La pratique de l’anthropophagie, du cannibalisme est bien attestée à la grotte d’Agris en Charente.

Mais le phénomène le plus nouveau et le plus intéressant est l’apparition des nécropoles.

Celles-ci vont apparaitre pendant le Mésolithique en divers points d’Europe. Ici en Ukraine sur le site de Vasilievka ou ici, dans le Mésolithique du nord de la mer noire, ici sur le site de Voloske au 7e millénaire avant notre ère.

Ici en Suède sur le site de Skateholm avec la particularité d’associer des chiens dans les sépultures humaines.

Les îles de Téviec et Hoedic, au sud de la Bretagne, présentent chacune une nécropole de 10 et 9 tombes renfermant respectivement 23 et 14 individus.

Les tombes elles-mêmes sont des fosses parfois bordées d’une rangée de pierres, les corps ont été déposés assis contre une paroi oui couchés sur le dos. Des dalles adjacentes portaient parfois de petits foyers enfermés dans des petits coffres de pierre. Les tombes elles-mêmes étaient parfois recouvertes de ramures de cerf formant un dôme au dessus de la tombe.

Ces tombes ont de plus, pour certaines, été rouvertes pour y introduire de nouveaux individus.

Des indices de morts violentes commencent aussi à apparaitre pendant le Mésolithique et on évoque un certain nombre de sites qui livrent des corps portant des traces de coups.

A la fin du Mésolithique, les rites deviennent très complexes marquant les profondes évolutions des sociétés humaines. Les véritables premiers monuments funéraires apparaissent peut-être à Lepenski Vir sur le Danube.

Mais ce n’est qu’au Néolithique qu’apparaîtra une réelle monumentalité funéraire qui deviendra très importante. Nous y reviendrons pendant le second semestre.

Orientation bibliographique :

BINANT P. (1991) – La préhistoire de la mort. Les premières sépultures en Europe, Paris : Errance, 1991, 168 p.

DJINDJIAN F., KOSLOWSKI J., OTTE M., 1999 – Le paléolithique supérieur en Europe, Paris : Armand Colin, 1999, 474 p. (Collection U)

MAUREILLE B. (2004) – Les premières sépultures. Les origines de la culture. Paris : Le Pommier, 2004, 123 p. (le Collège de la Cité)

OTTE M., 1996 – Le paléolithique inférieur et moyen en Europe, Paris : Armand Colin, 1996, 360 p. (Collection U) 

 

 

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